Soha Béchara, 39 ans, est une figure emblématique de la résistance à l’occupation israélienne dans le Liban sud. Cette ex-militante communiste a été emprisonnée durant dix ans, sans jugement, dans la prison de Khiam, après avoir tenté d’assassiner, en novembre 1988, en pleine guerre, le général Antoine Lahad, chef de l’Armée du Liban sud (ALS), supplétive d’Israël.
Mais, en Suisse, certains semblent ignorer la complexité de cet épisode de l’histoire libanaise. Depuis l’automne 2006, Soha Béchara, installée à Genève depuis six ans, est la cible d’une alliance réunissant islamophobes d’extrême droite, politiciens de l’UDC (droite nationaliste helvète) et des personnalités isolées de la communauté juive qui la qualifient de “terroriste” et de “criminelle avérée”. Le 20 mars, Soha Béchara a décidé de déposer une plainte pour calomnie auprès du parquet de Genève, contre le principal instigateur de cette campagne, Alain Jean-Mairet – un traducteur qui, sur son site Internet, réclame, entre autres, l’interdiction de l’islam en Suisse – et contre 26 autres personnes, dont trois députés de l’UDC. L’affaire a commencé en octobre 2006, après la diffusion par la Télévision suisse romande (TSR) d’un reportage de l’émission “Temps présent” intitulé “Soha, retour au pays du Hezbollah”. Soha Béchara en était le fil conducteur, ayant accepté de retourner à Beyrouth et au Liban sud après les bombardements israéliens, et de servir de “sésame” aux journalistes pour approcher le Hezbollah, un parti auquel elle n’a jamais appartenu mais qu’elle considère comme un “mouvement de résistance”. Un mois après, Alain Jean-Mairet menaçait la TSR d’une plainte collective, jugeant le reportage “tendancieux, transgressant les principes de véracité et de transparence” puisque guidé par Soha Béchara, “ex-terroriste libanaise (. . .) condamnée à dix ans d’emprisonnement” et “criminelle avérée capable de mentir et de tuer pour faire valoir des convictions politiques”. La plainte a été déposée en janvier auprès de l’Autorité d’examen des plaintes en matière de radiotélévision. Depuis, M. Jean-Mairet continue d’alimenter ses sites en allégations mensongères sur Soha Béchara. Par exemple, la prétendue participation de son époux, un élu écologiste genevois, au service d’ordre du Hezbollah, lors d’une manifestation à Berne pendant l’été 2006. Ces allégations ont traversé la frontière, reprises par le site d’extrême droite France-Echos. “J’ai compris qu’il s’agissait d’un réseau, explique Soha Béchara. Ces gens font du négationnisme. Ils ont mis en doute mon témoignage sur le camp de Khiam. C’est au nom de ceux qui y ont été exécutés et torturés que je dépose cette plainte.” Sera-t-elle reçue par le parquet de Genève? Soha Béchara promet déjà que, en cas de refus, elle usera de son droit de recours. |
Soha Béchara, 39 years old, is an emblematic figure of resistance to the Israeli occupation in southern Lebanon. This former Communist militant was imprisoned for ten years, without trial, in the prison of Khiam, after having tried to assassinate — in November 1988, in the middle of war — General Antoine Lahad, chief of the South Lebanon Army (SLA), auxiliary of Israel.
But, in Switzerland, some seem to be unaware of the complexity of this episode of Lebanese history. Since autumn 2006, Soha Béchara, a resident of Geneva for six years, has been the target of an alliance of far-right islamophobes, politicians of the UDC (Union Démocratique du Centre — Swiss People’s Party, of the Swiss nationalist right), and isolated personalities from the Jewish community who characterize her as “terrorist” and “known criminal.” On 20 March, Soha Béchara decided to lodge a complaint of defamation at the prosecutor’s office in Geneva, against the principal instigator of this campaign, Alain Jean-Mairet — a translator who, on his Web site, demands, inter alia, the prohibition of Islam in Switzerland — and against 26 others, including three UDC deputies. The affair started in October 2006, after the broadcast on Télévision Suisse Romande (TSR) of the “Temps présent” program’s report entitled “Soha, Return to the Country of Hezbollah.” Soha Béchara was its guiding thread, having agreed to go back to Beirut and southern Lebanon after the Israeli bombardments and to help open doors for journalists who wanted to approach Hezbollah, a party which she never belonged to but regards as a “movement of resistance.” One month later, Alain Jean-Mairet threatened the TSR with a collective complaint, saying the report was “tendentious, transgressing the principles of veracity and transparency” since it was guided by Soha Béchara, “ex-Lebanese terrorist (. . .) condemned to ten years of imprisonment” and “known criminal capable of lying and killing to advance political causes.” The complaint was registered in January with the authority for examination of complaints regarding the media. Since then, Mr. Jean-Mairet has continued to feed his sites with false allegations about Soha Béchara. For example, he alleges that her husband, a Genevan ecologist and elected official, participated in the security staff of Hezbollah, during a demonstration in Bern in the summer of 2006. These allegations crossed the border, taken up by the site of the far right France-Echos. “I understood that it was a matter of a network,” explains Soha Béchara. “These people are deniers. They questioned my testimony about the camp of Khiam. It is in the name of those who were executed and tortured there that I lodge this complaint.” Will it be accepted by the prosecutor of Geneva? Soha Béchara already promises that, in the event of refusal, she will use her right of appeal. |
The article in French appears in the 8 April 2007 issue of Le Monde (available online from 7 April 2007). Translation by Yoshie Furuhashi (@yoshiefuruhashi | yoshie.furuhashi [at] gmail.com).