José Bové Declares Candidacy [La déclaration de candidature de José Bové]

Voici le texte de la déclaration de candidature à la présidentielle de José Bové, prononcé jeudi 1er février à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

La France n’a jamais été aussi inégalitaire.

Un grand patron gagne 300 fois ou plus qu’un smicard.  Les plus riches désertent leur devoir fiscal quand 100 000 personnes dorment dans la rue.  Les stocks-options récompensent les licenciements boursiers.

Il est temps de mettre fin à un système qui entraîne la grande majorité des salariés vers la précarité et l’insécurité sociale.  Il est temps de décréter l’insurrection électorale contre le libéralisme économique.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes m’ont proposé d’être candidat à l’élection présidentielle.  J’ai décidé d’accepter que mon nom incarne, sur le bulletin de vote, la volonté commune de battre la droite et l’extrême droite et de redonner l’espoir d’une alternative à gauche.  J’ai décidé d’accepter, pour que continue le combat de rassemblement de toutes les forces de la gauche de la transformation sociale, solidaire, écologiste, antiraciste et féministe.

Nous ne nous résignons pas à la division actuelle de ces forces.  Nous voulons être le trait d’union entre toutes celles et tous ceux qui veulent que la vie change vraiment.

Je ne suis pas le candidat d’un parti.  Je ne suis pas un professionnel de la politique.  Ma candidature est celle d’un rassemblement de forces et de citoyens issus du mouvement social, du monde syndical, de courants politiques et des associations de l’immigration qui aspirent à l’unité de cette gauche-là.  Cette candidature est une candidature collective portée par de nombreuses voix.

J’appelle aujourd’hui les élus communistes, écologistes, alternatifs, socialistes anti-libéraux, à nous permettre, grâce à leurs parrainages, de participer à la campagne officielle.

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Nous voulons être les porte-voix des sans-voix, de ces millions de citoyennes et de citoyens qui souffrent de la précarisation sociale et des discriminations.  Nous voulons leur dire que l’abstention ou le vote Le Pen conduisent tout droit à l’élection de Nicolas Sarkozy.

Monsieur Sarkozy est un homme dangereux pour notre pays.  Sous couvert de promesses multiples, son projet est d’aller encore plus loin dans la voie d’une logique économique qui favorise les plus forts et pénalise les plus faibles.  Il est le candidat du MEDEF, du contrat précaire généralisé, du démantèlement progressif du code du travail et des services publics, de la suppression de fait de l’impôt sur les fortunes, de l’insulte contre les jeunes des quartiers, du mépris contre les agents des services publics.  C’est l’homme de la dissolution de l’Etat social et de sa transformation en Etat policier et carcéral.  Cet ami de Blair et de Bush nous prépare une République communautariste et atlantiste.

Nous voulons aussi défendre un projet et des solutions pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent que la vie change vraiment.  Nous voulons dire qu’une alternative est possible à celles et ceux qui ne croient plus à la gauche traditionnelle, qui se sont insurgés en votant massivement « non » au projet de traité constitutionnel européen, en se révoltant dans les quartiers populaires, en rejetant le CPE.

Madame Royal incarne une gauche qui a renoncé.  Face au social-libéralisme qui a conduit toute la gauche au désastre électoral en 2002, face au projet d’un parti socialiste autiste, qui manifeste un refus de rompre avec la logique économique libérale, nous voulons opposer une gauche de transformation sociale et démocratique, une gauche antiraciste, féministe et écologique.  Une vraie gauche.

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Notre projet est le fruit d’une expérience et d’une réflexion menées par les militants et les acteurs du changement social.  Il résulte d’un travail collectif sans équivalent, qui a rassemblé toutes les composantes de la gauche antilibérale.  Il n’est pas le résultat d’une approche technocratique qui vise à concilier les dures lois du profit avec un peu d’ordre juste.

Nous voulons que les citoyennes et les citoyens soient démocratiquement appelés à conduire et à contrôler la transformation sociale.  Notre programme est un outil à la disposition des électeurs et des électrices pour qu’ils se réapproprient l’exercice du pouvoir.

Premièrement, nous voulons l’élaboration d’un plan d’urgence sociale.  La réduction massive du chômage et de la précarité est une priorité, ce qui suppose de développer des activités utiles, créatrices d’emplois, d’imposer une stricte réglementation des licenciements et d’instaurer un système de sécurisation professionnelle tout au long de la vie.  La revalorisation des minima sociaux et des bas salaires doit être accompagnée d’une fiscalité fortement progressive pour les hauts revenus afin de limiter les inégalités indécentes de revenus.  C’est l’exigence de nouvelles relations dans le travail et de nouveaux droits sociaux que nous voulons porter.  C’est la nécessité de lutter contre la spéculation financière et de contrer la puissance de l’actionnariat.

Deuxièmement, nous voulons instaurer un nouveau modèle de développement.  C’est à la redéfinition du type de croissance, de production, d’échange et de consommation qu’il faut s’atteler.  Il faut s’attaquer à la toute-puissance des firmes transnationales et des marchés financiers, car leur soif de profit et leur mépris de l’humanité mettent la planète ne péril.  La question du nucléaire comme celle des OGM doivent être soumises à un débat citoyen qu’il faut conduire et trancher démocratiquement, en toute transparence.

Troisièmement, nous voulons que les millions de personnes qui vivent dans les cités de banlieues, dans les quartiers populaires — quelles que soient leurs origines et leurs croyances — ne soient plus considérés comme des sous-citoyens dans ce pays qui est le leur.  Ils ont droit à la justice, à l’égalité et à la dignité.  Il n’est pas acceptable que l’accès aux droits fondamentaux, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, au logement, leur soit restreint, et que la seule réponse aux problèmes qu’ils rencontrent soit celle de la répression policière et sécuritaire qui aboutit souvent, en toute impunité, à des violences, voire des morts.

Quatrièmement, nous réaffirmons que tout être humain, parce que c’est un être humain, doit être reconnu dans son humanité.  Nous refusons qu’on continue de priver un être humain de sa dignité en le privant de papiers.

Cinquièmement, la transformation démocratique et sociale exige d’en finir avec le régime de la V° République.  C’est la démocratie toute entière qui doit être vivifiée.  Nous voulons une nouvelle République laïque, ouverte sur la société telle qu’elle est, ouverte sur le monde, une démocratie politique, sociale et citoyenne, qui élargisse le socle des droits fondamentaux, à commencer par les droits sociaux.

Sixièmement, dès 2007, dans la cohérence avec le « non » du 29 mai 2005, nous entendons que la France propose la refondation de la construction européenne sur des bases démocratiques et sociales.  Nous demandons la fin des traités existants et nous proposerons un nouveau texte fondateur.  Nous n’accepterons pas que la nouvelle politique qui aurait été choisie par notre peuple soit interdite par les décisions européennes.  La présidence française de l’Union, au second semestre 2008, est l’occasion de porter largement l’exigence d’un tel changement.

Septièmement, nous nous engageons à pratiquer l’équité pour les départements et territoires d’outre-mer et leur laisser le choix de l’autodétermination.

Huitièmement, nous voulons, avec tous les peuples qui souffrent, combattre et faire reculer les politiques de libéralisation qui favorisent la guerre économique, l’exacerbation des concurrences, les privatisations et les déréglementations.  Nous mettrons fin à la capacité de nuisance des institutions (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, Organisation Mondiale du Commerce) qui renforcent les inégalités et provoquent des souffrances à l’origine de guerres.  Nous défendrons le droit à la souveraineté alimentaire et le libre accès pour tous aux bien communs de l’humanité, dont l’eau.

Enfin , parce que les femmes assument de multiples responsabilités, au travail, à la maison, vis à vis des enfants et des proches dépendants, parce qu’elles sont majoritaires parmi les chômeurs, les précaires et les bas salaires, nous voulons qu’elles soient les premières bénéficiaires de l’amélioration de nombreux services publics : de la priorité, accordée à un service public de la petite enfance, et des mesures contre le chômage et la précarité.  L’objectif de l’égalité entre les femmes et les hommes doit être poursuivi dans toutes nos décisions.  Il est grand temps d’en faire une réalité.

Ce que nous souhaitons est possible, ici et maintenant, à condition de mettre fin au dogme économique libéral.

Ce que nous souhaitons est possible, ici et maintenant, à condition d’assumer une véritable transformation sociale.

Ce que nous souhaitons est possible, ici et maintenant, à condition que nous nous rassemblions, dans l’unité, pour faire avancer la gauche alternative, écologiste, antiraciste, féministe et solidaire.

José Bové,
St Denis, 1 février 2007

Here is the text of José Bové‘s declaration of candidacy for the presidential election, announced on Thursday, 1 February in Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

France has never been so unequal.

A business leader earns 300 times more than a worker on the minimum wage.  The richest shirk their tax obligation while 100,000 people are sleeping in the street.  Stock options reward dismissals of employees to raise share prices.

It is time to put an end to a system which drags a great majority of workers down to precarious employment and social insecurity.  It is time to declare an electoral insurrection against economic liberalism.

Tens of thousands of people nominated me to be a candidate in the presidential election.  I decided to accept that my name will incarnate, on the ballot paper, the common will to demolish the right and the extreme right and to restore the hope of an alternative on the left.  I decided to accept, so that the struggle of a convergence of all the forces of the feminist, anti-racist, and ecologist left of solidarity and social transformation will continue.

We do not resign ourselves to the current division of these forces.  We want to be the face of unity among all men and women who want to really change life.

I am not a party candidate.  I am not a political professional.  My candidacy is that of a convergence of forces and citizens from social movements, trade unions, political currents, and associations of immigrants that aspire to the unity of this left.  This candidacy is a collective candidacy supported by many voices.

Today, I call upon elected communist, ecologist, alternative, and anti-liberal socialist officials to allow us, thanks to their sponsorships, to take part in the official campaign.

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We want to be the voice of the voiceless, millions of citizens who suffer from discrimination and social casualization.  We want to say to them that abstention or voting for Le Pen will lead straight to the election of Nicolas Sarkozy.

Mr. Sarkozy is a dangerous man for our country.  Under the cover of multiple promises, his project is to go even farther in the direction of an economic logic that favors the strongest and penalizes the weakest.  He is the candidate of the MEDEF [Mouvement des Entreprises de France], who stands for universalization of casualzed contracts, progressive dismantlement of public services and the labor code, de facto abolition of the wealth tax, insults to young people of working-class suburbs, and contempt for public-sector workers.  He is the man for dissolution of the social state and its transformation into a police and prison state.  This friend of Blair’s and Bush’s prepares for us an Atlanticist and communalist republic.

We want to also defend a project and solutions for all men and women who hope that life will really change.  We want to say that an alternative is possible, to men and women who no longer believe in the traditional left, who rose up, massively voted “no” to the project of the treaty of the European constitution, and revolted in working-class quarters to reject the CPE.

Mrs. Royal incarnates a left which has given up.  Against the social-liberalism which led the entire left to an electoral disaster in 2002, against the project of an autistic socialist party, which expresses a refusal to break with the liberal economic logic, we want to oppose a left of social and democratic transformation, an ecological, feminist, and anti-racist left.  A true left.

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Our project is the fruit of experience and reflection of militants and actors for social change.  It results from collective work that has no equivalent, which gathered all the components of the anti-liberal left.  It is not the result of a technocratic approach which aims at reconciling the hard laws of profit with a little of just order.

We want citizens to democratically lead and control social transformation.  Our program is a tool at the disposal of voters, so that they can re-appropriate the exercise of power.

Firstly, we want the development of a social emergency plan.  A massive reduction of unemployment and casualization is a priority, which presupposes development of useful activities that create jobs, imposition of a strict regulation of dismissals, and establishment of a system of lifetime job security.  Raising the social minima and the wages of low-wage workers must be accompanied by strongly progressive taxation for high-income groups in order to limit indecent income inequalities.  It is the requirement of new relations of work and new social rights that we want to uphold.  It is necessary to fight against financial speculation and counter the power of shareholders.

Secondly, we want to establish a new model of development.  It should be coupled with redefinition of the type of growth, production, exchange, and consumption.  It is necessary to take on the absolute power of transnational firms and financial markets, because their thirst for profit and their contempt for humanity put the planet in danger.  The question of nuclear power like that of GMOs ought to be subjected to a debate by citizens, which must be conducted and decided democratically, in all transparency.

Thirdly, we want millions of people who live in working-class suburbs, in working-class districts — whatever their origins and beliefs — to be no longer regarded as underclasses in this country which is theirs.  They have the right to justice, equality, and dignity.  It is not acceptable that their access to basic rights, health care, education, employment, and housing is restricted and that the only response to the problems that they encounter is repression by police and security forces, which often leads, with total impunity, to acts of violence, to even deaths.

Fourthly, we reaffirm that all human beings, by virtue of being human, must be recognized for their humanity.  We refuse to continue to deprive human beings of their dignity by depriving them of immigration documents.

Fifthly, social and democratic transformation requires us to be done with the regime of the Fifth Republic.  It is the entire democracy that must be invigorated.  We want a new secular republic, open to society as it is, open to the world, a social and political democracy of citizens, which broadens the foundation of basic rights, beginning with social rights.

Sixthly, beginning with 2007, consistent with the “no” vote of 29 May 2005, we expect France to propose to re-found the construction of Europe on social and democratic bases.  We demand repeal of the existing treaties, and we will propose a new founding text.  We will not accept that the new policy which would have been chosen by our people would be prohibited by European decisions.  The French presidency of the European Union, in the second half of 2008, is the occasion to widely raise the exigency of such a change.

Seventhly, we commit ourselves to practicing equity for the overseas departments and territories and leaving them the choice of self-determination.

Eighthly, we, together with all the peoples who suffer, want to struggle and roll back the policies of liberalization which promote economic war, exacerbation of competition, privatizations, and deregulations.  We will put an end to the destructive power of institutions (the World Bank, the International Monetary Fund, and the World Trade Organization) which reinforce inequalities and cause sufferings that are at the origin of wars.  We will defend the right to food sovereignty and free access of all to common goods of humanity, including water.

Lastly, because women bear multiple responsibilities, at work, at home, for children and other dependents, and because women are a majority among the unemployed, the precariously employed, and low-wage workers, we want women to be the first beneficiaries of improvement of many public services: the priority should be given to public service for early childhood, and measures that counter unemployment and job insecurity.  The goal of equality between women and men must be pursued in all our decisions.  It is high time to make that a reality.

What we want is possible, here and now, provided that we put an end to the liberal economic dogma.

What we want is possible, here and now, provided we undertake true social transformation.

What we want is possible, here and now, provided that we gather together, united, in order to advance the alternative left, ecologist, anti-racist, and feminist, in solidarity.

José Bové,
St. Denis, 1 February 2007


José Bové‘s declaration was published in Le Nouvel Observateur, as well as on his campaign Web site, on 1 February 2007.  Translation by Yoshie Furuhashi (@yoshiefuruhashi | yoshie.furuhashi [at] gmail.com).
For the background of Bové’s candidacy, consult Doug Ireland’s “France’s Presidential Race: Jose Bove Complicates the Contest,” DIRELAND, 1 February 2007.