Un an après la dernière guerre au Liban, le parti Hezbollah reste un mystère. Pour la première fois, son leader, Hassan Nasrallah, a accepté la présence de caméras occidentales au sein de l’organisation et répond, sous haute surveillance, aux questions les plus délicates. En retraçant l’histoire de ce mouvement, ce documentaire exceptionnel donne les clés pour comprendre ce qui se joue dans cette région.
Qui sont ces “fous de Dieu” qui ont résisté aux attaques de l’armée israélienne en 2006 ? Des “terroristes” selon Bush, de “dangereux fondamentalistes” d’après l’opinion internationale, ou de simples militants d’obédience islamiste chiite engagés dans la vie démocratique de leur pays pour leurs partisans ? La réalité est sans doute aussi complexe que l’histoire du Hezbollah, un mouvement qui suscite les réactions les plus contrastées dans cette société multiculturelle caractérisée par la coexistence de différents courants religieux. A l’issue de longs mois de négociations, Jean-François Boyer, grand reporter et réalisateur, et Alain Gresh, écrivain et journaliste au Monde diplomatique, ont reçu l’autorisation de filmer les installations du mouvement, de diffuser certaines de ses archives inédites et d’interroger son dirigeant charismatique, Hassan Nasrallah. N’éludant aucune question, celui-ci s’exprime sur ses relations avec le gouvernement libanais, les Palestiniens, l’Iran, la provenance de ses fonds et de ses armes, mais aussi sur sa position vis-à-vis de l’Etat d’Israël, dont le Hezbollah a toujours officiellement nié la légitimité. Au coeur du “parti de Dieu” Formé chez les mollahs iraniens, le leader chiite a conservé des liens très forts avec l’ayatollah Khamenei. Ce qui vaut toujours au mouvement libanais l’accusation d’être le “bras armé de la révolution iranienne”. Sur ce point, la réponse de Nasrallah est pour le moins ambiguë : “Donnez-moi un seul exemple en vingt-cinq ans d’existence où le Hezbollah aurait servi les intérêts de l’Iran contre ceux du Liban ?”… Issu de différents groupes chiites, le Hezbollah a vécu dans l’ombre durant les quinze premières années de son existence. A la fin de la guerre civile, il est le seul autorisé par la Syrie à poursuivre le combat à la frontière israélienne dans le sud du pays. En 1992, Nasrallah engage son mouvement dans le processus électoral pour lui donner une légitimité démocratique. En 2007, le Hezbollah forme l’un des grands groupes parlementaires libanais avec quatorze députés. Aujourd’hui, il manifeste, avec le principal parti chrétien, pour un gouvernement d’union nationale. Sur son rôle militaire, la position de Nasrallah est claire : “La question des armes est liée au conflit avec l’ennemi israélien. . . Le Hezbollah ne les a jamais utilisées à l’intérieur du pays. Toutes les élections auxquelles il a pris part montrent vraiment que nous sommes engagés dans le processus électoral et la vie du pays.” Dans le sud du Liban, les troupes du Hezbollah, moins visibles mais toujours superarmées, restent prêtes à agir. “Tant que l’armée libanaise est capable de gérer le problème, nous n’intervenons pas. Mais si l’armée libanaise et la Finul n’arrivent pas à le résoudre, alors la résistance entre en action.” Le terme résume bien une des principales raisons d’être du Hezbollah : un mouvement libanais de résistance contre Israël. Un objectif que partagent beaucoup d’autres Libanais, à en croire Michel Samaha, numéro deux des chrétiens maronites, alliés du “parti de Dieu”. De Beyrouth au sud du Liban, les deux journalistes sont partis à la rencontre des combattants du Hezbollah, objet d’un vrai culte, et de leurs familles mais aussi des représentants des principaux partis politiques du pays et de leurs militants. Leur enquête les a menés également sur les lieux de l’action sociale du Hezbollah — écoles et hôpitaux financés majoritairement par l’organisation — ainsi que dans les locaux de la chaîne Al-Manar, la plus regardée au Liban et considérée comme le média du parti. Dans un pays où les tensions sont toujours vives, le Hezbollah montre qu’il demeure un acteur incontournable des forces en présence. Première diffusion : dimanche 15 juillet 2007 à 12:25 (hertzien et TNT). |
One year after the last war in Lebanon, Hezbollah remains a mystery. For the first time, its leader, Hassan Nasrallah, accepted the presence of Western cameras inside the organization and answers, under high security, the most delicate questions. By retracing the history of this movement, Le Mystère Hezbollah [The Mystery of Hezbollah], an exceptional documentary, provides the keys to understanding what comes into play in this region.
Who are these “fanatics of God” who resisted the Israeli army’s attacks in 2006? “Terrorists” according to Bush, “dangerous fundamentalists” according to the international opinion, or simple militants of the Shi’i Islamic persuasion engaged in the democratic life of their country for their supporters? The reality is undoubtedly as complex as the history of Hezbollah, a movement which provokes the most contradictory reactions in this multicultural society characterized by the coexistence of various religious currents. After months-long negotiations, Jean-François Boyer, international journalist and film maker, and Alain Gresh, writer and journalist of Le Monde Diplomatique, received an authorization to film Hezbollah installations, to publish some of its previously unpublished archives, and to question its charismatic leader, Hassan Nasrallah. Not evading any question, Nasrallah himself speaks about not only Hezbollah’s relations with the Lebanese government, the Palestinians, Iran, and the source of its funds and weapons, but also its position on the state of Israel, whose legitimacy Hezbollah has always officially denied. At the Heart of the “Party of God” Educated by Iranian clerics, the Shi’i leader has maintained very strong bonds with Ayatollah Khamenei. The accusation of being the “armed hands of the Iranian revolution” always gets applied to the Lebanese movement. On this point, the response of Nasrallah is at the very least ambiguous: “Give me a single example in the twenty-five years of its existence where Hezbollah served the interests of Iran against those of Lebanon.”. . . A product of various Shi’i groups, Hezbollah lived in the shadow during the first fifteen years of its existence. At the end of the civil war, it became the only one authorized by Syria to continue armed struggle at the Israeli border in southern Lebanon. In 1992, Nasrallah committed his movement to the electoral process to give it democratic legitimacy. In 2007, Hezbollah is one of the major Lebanese parliamentary factions with its fourteen deputies. Today, it is mobilizing, with the principal Christian party, for a national unity government. On its military role, the position of Nasrallah is clear: “The question of weapons is tied to the conflict with the Israeli enemy. . . . Hezbollah has never used them inside Lebanon. All the elections in which it has taken part really show that we are committed to the electoral process and the life of the nation.” In the south of Lebanon, Hezbollah troops, less visible but always well armed, remain ready to act. “As long as the Lebanese army can manage the problem, we do not intervene. But if the Lebanese army and the UNFIL are unable to solve it, then the resistance goes into action.” The term well summarizes one of Hezbollah’s principal raisons d’être: a Lebanese movement of resistance against Israel. An objective shared by many other Lebanese, if we are to believe Michel Samaha, the number two leader of Maronite Christians, allied with the “Party of God.” From Beirut to southern Lebanon, the two journalists traveled to meet not only Hezbollah combatants, the object of a veritable cult worship, and their families but also representatives of the main political parties of Lebanon and their militants. Their investigation equally led them to the scenes of Hezbollah’s social action — schools and hospitals financed mainly by the organization — as well as the premises of the Al-Manar network, the most watched network in Lebanon, considered to be the Hezbollah media. In a country where tensions are always high, Hezbollah shows that it remains an actor impossible to ignore among the opposing forces. First broadcast: Sunday, 15 July 2007 at 12:25 (network and TNT). |
The French text originally appeared on the Web site of France 5. English Translation by Yoshie Furuhashi (@yoshiefuruhashi | yoshie.furuhashi [at] gmail.com).